Capsules historiques
Plongez dans l’histoire de Lévis à travers différentes capsules informatives portant sur des moments marquants et des faits étonnants de l’histoire lévisienne.
Le temps froid transforme rapidement le fleuve en un étonnant mélange de glace, de banquises, d’eau noire, le tout brassé par les courants et marées. De nos jours, avec les traversiers et les ponts, passer d’une rive à l’autre n’est plus qu’une question de minutes, du moins hors de la période de pointe. Toutefois, il y a à peine une centaine d’années, le scénario était tout autre pour celui qui devait se rendre à Québec.
La géographie du fleuve vis-à-vis Québec et Lévis forme une sorte d’entonnoir.
Lors d’un hiver particulièrement froid, la glace prend rapidement sur le fleuve et avec l’accumulation des banquises, la masse gelée se solidifie en un tout.
On disait alors que « le pont était pris à la clef », c’est-à-dire que le fleuve se transformait en un pont de glace entre Québec, Lévis et la pointe ouest de l’île d’Orléans.
Pour la grande majorité des hivers, le pont de glace « prenait en bourguignon », une expression voulant dire que le fleuve était couvert de banquises et de blocs entremêlés et empilés, ce qui rendait la traversée difficile et dangereuse, voire même impossible.
Un pont de glace
Or, si le temps était clément et sans vent, la glace se formait en une masse uniforme et bien lisse. Le pont de glace était formé, pour le grand bonheur de tous. Un chemin était tracé entre les 2 rives, balisé de petits sapins qu’on appelait des mais. Chacun pouvait se rendre à Québec en toute sécurité à pied, en patin, à cheval et même en automobile.
Les cultivateurs de Lévis pouvaient vendre leurs surplus de production dans les marchés de Québec où, pour le grand bénéfice de plusieurs, les prix diminuaient substantiellement. Tout au long du parcours, on voyait apparaître des caboulots, soit des cabanes en bois ou certains profitaient de l’achalandage pour y installer une taverne improvisée. Ce phénomène a donné lieu à de nombreuses anecdotes, mais également tout un lot de problèmes pour les autorités municipales de Lévis et Québec puisque le fleuve ne répond à aucune réglementation, sauf pour la navigation. Le pont de glace était un événement de très grande importance en raison de sa rareté, n’ayant pris qu’une dizaine de fois tout au long du 19e siècle.
Traversée en canot
Sans pont de glace, les habitants pouvaient quant même se rendre à l’autre rive. C’était alors la belle époque des canots à glace. Pour traverser, on devait se rendre au Passage, c’est-à-dire « à l’endroit où les canotiers tenaient leurs quartiers ordinaires, à l’affût des voyageurs » selon l’écrivain Louis Fréchette. D’ailleurs, son conte La Tête à Pitre est l’un des meilleurs témoignages sur ce métier rude et dangereux. Le Passage se trouve aujourd’hui au pied de la côte du même nom, maintenant connu comme le secteur de la traverse.
Bien emmailloté dans la fourrure, le voyageur traversait le fleuve à bord d’un canot en bois où son équipage travaillait durement pour trouver les voies d’eau, à travers les banquises qui bloquent la route. Ces exploits qui composaient le quotidien des canotiers durant plus de 2 siècles est annuellement rappelé par la célèbre course à l’occasion du Carnaval de Québec et par le grand défi des glaces au mois de mars.
Le pont de Québec est l’une des structures les plus impressionnantes au pays. Reconnu comme le pont de type Cantilever ayant la plus longue portée libre au monde, c’est surtout son histoire exceptionnelle qui a marqué notre région. Le 29 août 1907, le bras sud du pont alors en construction s’effondre. Cet évènement tragique a coûté la vie de soixante-seize travailleurs.
Pour bien comprendre les circonstances de cette catastrophe, il faut remonter au milieu du 19e siècle.
Québec, capitale depuis sa fondation, vit principalement grâce aux activités de son port et de la construction navale.
L’hiver, en raison de la glace sur le fleuve, tout le transport maritime est paralysé, ralentissant par conséquent l’ensemble des activités économiques.
Le chemin de fer est alors la solution idéale pour assurer une vitalité économique à l’année longue.
Un problème se présente : Québec, située sur la rive nord, est isolée des grands centres économiques d’alors, soit les Maritimes, la Nouvelle-Angleterre et l’Ontario. Lévis, située au sud du fleuve, avait joué dès 1854 le rôle de desserte ferroviaire de Québec à partir du terminus de l’anse Tibbits, bénéficiant ainsi de toutes les retombées. C’est pourquoi la Ville de Québec tient tant à faire construire un pont qui mettrait fin à son isolement.
Une catastrophe survient
La Compagnie du pont de Québec, qui a pour mandat la réalisation d’un pont sur le fleuve, retient les services de Theodore Cooper, l’un des plus célèbres ingénieurs civils de l’époque, pour la réalisation du plan initial. Celui-ci veut faire du pont de Québec le couronnement d’une brillante carrière en élargissant la portée libre du pont à 1800 pieds, soit la distance entre ses piliers.
Entre 1900 et 1907, le projet est en voie de réalisation, mais plusieurs erreurs sont notées en cours de route, notamment concernant les calculs du poids de la structure. Ce qui devait arriver arriva; le pont, ne pouvant plus se supporter lui-même, s’effondre dans le fleuve à 17 h 37, une quinzaine de minutes avant la fin de la journée de travail.
Des dizaines de morts
Cette catastrophe se fait entendre dans toute la région. Ce vaste chantier de construction se transforme en une terrible scène d’horreur. Soixante-seize ouvriers perdent la vie dans l’effondrement de la structure. Prisonniers sous le lourd matériel, un grand nombre de travailleurs se noient alors que la marrée remonte dans la soirée. Un grand nombre de corps ne seront jamais retrouvés.
Parmi les victimes, on retrouve 33 Mohawks du village de Kahnawake. À l’époque, ceux-ci sont des monteurs d’acier très réputés. Cette tragédie fait instantanément 23 veuves et 54 orphelins dans cette communauté. On retrouve également 17 travailleurs américains dans la liste des travailleurs décédés. Ceux-ci sont pour la plupart des employés cadres de la compagnie de la Phoenix Bridge qui a obtenu le contrat de construction.
Pas moins de 26 Canadiens trouvent également la mort dans cette catastrophe, la plupart habitant tout près du pont. Les villages de New Liverpool, Chaudière Bassin et Saint-Romuald sont durement touchés. Ce ne sont pas seulement les familles des travailleurs qui tombent dans le deuil, mais également de nombreuses maisons de pensions où logent les ouvriers. Pour plusieurs mères de familles, c’est tout le revenu familial qui disparaît. Le lundi suivant la catastrophe, jour de la fête du Travail, est décrété deuil national. À l’église de Saint-Romuald, ce sont les funérailles officielles que l’on tient, en présence de nombreux dignitaires.
Joseph-David Déziel dit Labrèche, mieux connu sous le nom de Monseigneur Déziel était reconnu pour son énergie débordante et sa détermination et doit être considéré parmi les grands fondateurs de notre société. Avec des moyens bien modestes, il est parvenu à faire de Lévis l’un des fleurons du développement économique, social et institutionnel du Québec au 19e siècle. Encore aujourd’hui, son œuvre se poursuit et est toujours en croissance.
Pour bien comprendre l’importance du personnage, il faut rappeler que la côte de Lauzon vis-à-vis Québec, vers 1850, avait un visage fort différent de celui qu’on lui connaît aujourd’hui. Les rives étaient couvertes de chantiers de différentes natures et un grand nombre d’ouvriers vivaient dans des conditions bien misérables, entassés au pied de la falaise. Plus haut, sur le plateau surplombant cette fourmilière, s’étalaient les maisons cossues d’une élite bourgeoise, principalement d’origine écossaise et anglaise, vestiges de la ville d’Aubigny fondée par John Caldwell.
Un pilier du développement
Avec l’accroissement de la population, la seule église Saint-Joseph de Lauzon ne convenait plus et il était vraiment temps de fonder une nouvelle paroisse. L’abbé Déziel, alors curé à Lauzon, fut désigné pour cette tâche. À partir de ce moment, une véritable révolution allait se produire.
Poussant comme un champignon au milieu d’une terre jusqu’alors majoritairement anglophone, une église se dressa haute et fière sur les hauteurs de la pointe Lévy en 1851.
Dans le but d’affirmer la présence francophone, l’abbé Déziel choisit le nom de Notre-Dame de la Victoire, pour souligner le triomphe des armées française dirigées par le général Lévis face aux Britanniques le 28 avril 1760 sur les plaines d’Abraham. Cette église deviendra alors la pierre angulaire d’un vaste chantier.
À peine 2 ans après la fondation de la paroisse, il fonda le Collège de Lévis afin d’aider à la formation des futurs leaders de sa société. Les jeunes filles n’ont pas attendu longtemps leur tour puisque dès 1858, Mgr Déziel fonda le couvent de Lévis, l’actuelle école Marcelle-Mallet. Notons que ces fondations ne se sont pas faites facilement puisque les finances étaient bien minces.
Toujours dans l’optique d’améliorer le sort de la classe ouvrière, il ajouta l’hospice Saint-Joseph de la Délivrance, un immense bâtiment dominant l’anse Tibbits, pour y accueillir les personnes âgées, les infirmes et les orphelins. La partie centrale de cet édifice fut ravagée par un incendie en 1964. Soulignons également que la paroisse de Saint-David est une autre création de Mgr Déziel.
Déziel, fondateur de Lévis
Or, il est important de souligner que Mgr Déziel est également le père fondateur de la ville de Lévis. Travaillant avec ténacité à l’organisation municipale, la charte créant la nouvelle ville est sanctionnée le 18 mai 1861. D’ailleurs, Lévis est la première ville à avoir érigé un monument à son fondateur, bien avant Québec et Montréal.
La statue de Mgr Déziel, qui trône devant l’église Notre-Dame, fut la première statue de bronze coulée au Canada, fabriquée à la fonderie Carrier & Lainé qui était située près de la traverse. Cet homme de vision a marqué la voie au développement de bien d’autres institutions, telles que les caisses populaires Desjardins. La dépouille de cet énergique curé repose maintenant dans la crypte de l’église Notre-Dame.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, la Ville de Lévis doit sa croissance à l’industrie du bois. Du moins, c’était la réalité jusqu’au milieu du 19e siècle. À l’aide de la toponymie, remontons le cours du temps jusqu’au moment où l’arbre était la source de développement du territoire lévisien.
Très tôt dans l’histoire de la seigneurie de Lauzon, le bois devient une source d’exploitation, en raison de la piètre qualité des terres près du fleuve. Les forêts situées près du bassin de la rivière Chaudière et près de la rivière Etchemin sont rapidement exploitées. En 1706, le seigneur Georges Regnard Duplessis fait ériger un moulin sur le cours d’eau qui portera alors le nom de rivière à la Scie. Cette rivière prend sa source dans les anciennes forêts de pin blanc situées au sud de Lévis, qui furent à l’origine du nom de Pintendre.
Au cours des années suivantes, tous les cours d’eau qui le permettent sont occupés par des petits moulins à bois et leur présence sur le territoire est souvent évoquée par l’odonyme rue ou chemin du Moulin. La présence de ces moulins a largement contribué au développement des villages de Pintendre, Saint-Étienne et Saint-Romuald. Certains moulins de grande importance sont rappelés dans la toponymie par le nom de leur propriétaire : William G. Ross, pour les moulins de Saint-Nicolas, Atkinson et Gravel pour les moulins situés près de l’Etchemin ou Louis-Nolin qui opérait le moulin sur la rivière à la Scie.
La naissance d’une industrie
Au début du 19e siècle, l’industrie du bois connaît un essor très important. Les cages à bois arrivant de l’Outaouais par le fleuve sont démantelées sur les rives et les pièces sont chargées à bord de navires à destination de l’Angleterre. Toutes les anses qui ponctuent la bordure fluviale de Lévis, de la rivière Chaudière à l’anse aux Sauvages dans le secteur de Lauzon, sont envahies par les billes de bois et des armées d’hommes les préparant pour leur chargement. Parallèlement à cette activité se développe l’industrie de la construction maritime.
Les toponymes actuels des anses évoquent les noms des chantiers ou la mémoire de leur propriétaire. Citons par exemple les anses de New Liverpool et Hamilton dans le secteur de Saint-Romuald, en référence aux chantiers des frères Georges et William Hamilton qui étaient originaires de Liverpool ou les anses Benson, Tibbits et Gilmour qui rappellent le nom des armateurs qui y possédaient des chantiers de bois ou de construction de navires.
Les Caldwell et les Breakey
L’industrie du bois évoque aussi la mémoire de grandes familles qui ont grandement contribué au développement du territoire lévisien, à savoir les familles Caldwell et, plus tard, Breakey. De 1806 à 1808, John Caldwell, alors seigneur de Lauzon, fait ériger sur les îlots situés à l’embouchure de la rivière Etchemin ce qui deviendra les moulins les plus importants et les plus performants au pays.
Caldwell dressa aussi la carte de la ville qu’il baptisa Aubigny, correspondant aujourd’hui au quartier du Vieux-Lévis. Les rues Henry, en mémoire de son père Henry Caldwell, et Wolfe sont des noms qui figuraient sur le plan original de la ville rêvée par le grand commerçant Caldwell au début du 19e siècle.
La famille Breakey, pour sa part, a préféré concentrer ses activités le long de la rivière Chaudière. Hans Denaston Breakey fit construire en 1846 un imposant moulin à scie qui donna naissance au village de Chaudière Mills, qui deviendra plus tard Breakeyville. John Breakey, fils du fondateur, conduit l’entreprise à des niveaux plus que respectables. Le nom de la paroisse et la rue Sainte-Hélène furent nommés en l'honneur de Helen Anderson, femme de John Breakey, et la rue de la Dalle, près du bassin de la Chaudière, rappelle les installations de la compagnie dans ce secteur.